L’environnement comme préoccupation majeure
Plus qu’une simple impression, l’environnement apparaît bel et bien comme étant une nouvelle préoccupation des Français·e·s. En effet, cette prise de conscience autour des sujets liés à l’écologie apparaît clairement dans le Baromètre de l’Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire (IRSN).
Les résultats du Baromètre IRSN 2019 note des préoccupations sociales et environnementales fortes. En effet :
“Jusque-là en tête des sources d’inquiétude des Français, le terrorisme cède la première place à « l’insécurité », « le chômage » et « la grande pauvreté et l’exclusion » (chacune des modalités réunit l’adhésion d’un Français sur trois environ) pour arriver en 5ème position avec 19% de citations (contre 45% en 2015). Les préoccupations environnementales représentées par la modalité « dégradation de l’environnement » sont en progression constante depuis 2009 et arrivent en 4ème position (28% de citations). Les bouleversements arrivent en 6ème position avec 14% de citations. Le cumul de ces deux modalités atteint fin 2018 un total de 42%, ce qui est révélateur de la sensibilité croissante des Français à la cause environnementale.
On note également que le sujet du réchauffement climatique, après avoir connu une forte régression entre 2006 et 2011 (passant de 40% à 24% de citations), a par la suite constamment progressé pour atteindre un niveau de citations sans précédent fin 2018 (56%) et s’acheminer en tête de classement des préoccupations environnementales des Français.”
La prise de conscience est donc indéniable. Néanmoins nous ne réagissons pas tou·te·s de la même façon face à celle-ci. Ainsi, quand certain·e·s en sont encore au stade de sensibilisation, d’autres modifient déjà leurs habitudes de consommation et tentent tant bien que mal de de réduire leur impact sur la planète. D’autres encore, plus radicaux, se dirigent vers des passages à l’action plus concrets et réclament des changements systémiques.
L’éco-anxiété : qu’est-ce que c’est ?
C’est donc dans ce contexte de prise de conscience qu’est apparue l’éco-anxiété. Un mal aujourd’hui reconnu par le corps médical comme une détresse causée par l’altération de nos environnements.
Alice Desbiolles, médecin de santé publique, préfère le terme solastalgie à celui d’éco-anxiété. D’après elle, contrairement à l’éco-anxiété, la solastalgie — terme qui nous vient d’Australie et qui signifie littéralement “perte de réconfort” — comprend un panel d’émotions beaucoup plus variées. Ce second terme est donc moins réducteur et prend en compte les divers sentiments que peuvent ressentir les individus souffrant de solastalgie. Car en plus de l’anxiété, une personne solastalgique peut également ressentir de la culpabilité, de la tristesse, de l’inquiétude pour le futur, du désespoir ou encore de la colère contre elle-même et les autres.
De plus, dans le cas d’une “simple” anxiété, il n’est pas toujours évident de mettre le doigt sur l’élément déclencheur du mal-être. Or lorsqu’on parle avec une personne solastalgique, la cause de son mal est relativement simple à identifier : le changement environnemental global, les conséquences pour le futur, le sentiment d’impuissance face à une catastrophe annoncée etc.
Pourquoi tout le monde n’est pas éco-anxieux ou solastalgique ?
Aujourd’hui, il est parfois légitime de se demander pourquoi tout le monde n’est pas en proie à de tels sentiments. La réponse est simple : le déni est un mécanisme de défense. De nos jours, il peut être plus simple de ne pas voir. De refuser d’être au courant. De ne pas s’autoriser à pleinement intégrer l’urgence de la situation. Ainsi, on accepte que les choses vont mal et qu’il faudrait agir, mais ça s’arrête-là. On ne veut pas creuser le sujet par peur.
Nous ne voulons pas être au courant afin de ne pas ressentir de mauvais sentiment. Et nous ne ressentons pas de mauvais sentiments car nous ne sommes pas au courant.
Pour reprendre les mots de Rob Hopkins, initiateurs du mouvement des Transition Towns, qui écrivait : “il est normal d’avoir peur, et si vous n’avez pas peur, c’est peut-être que vous n’avez pas bien compris”.
On se protège donc de cette peur.
Or comme nous le confiait Eva Roussel, illustratrice de bande dessinée, lors de notre conférence autour de l’éco-anxiété : “Il y a quelque chose d’assez cyclique dans l’éco-anxiété : je suis triste, je suis angoissée et ensuite je suis en colère. Au bout d’un moment, cette colère permet l’action. C’est un cycle qui peut être bénéfique et positif à terme”.
Car en effet, les personnes solastalgiques ne sont pas nécessairement malheureuses. Les sentiments qu’elles ressentent sont profondément légitimes et ces derniers leur permettent souvent d’opérer des changements de vie qui, à terme, s’avèrent bénéfiques pour elles.
Comment vivre avec sa solastalgie ?
Vadim Turpyn, co-fondateur du groupe Facebook La Collapso Heureuse, propose d’écouter ses sentiments, de les comprendre et enfin d’apprendre à vivre avec : “On passe tou·te·s par des phases d’éco-anxiété mais on peut en sortir. La colère c’est bien, mais c’est quand même mieux quand on y est plus”.
Une autre piste de solution : s’ancrer dans le présent. Rien ne sert de constamment se projeter dans le futur car le présent est le seul temps qui nous appartienne vraiment. Le présent est la seule chose qui soit sûre, concrète et réelle. Même en matière de colère et d’indignation, pas besoin de chercher plus loin qu’aujourd’hui. Car il y a déjà suffisamment de raison de s’indigner au présent, de lutte qui méritent d’être menées et de raison d’entrer en résistance. Oui, entrer en résistance car la guérison passe aussi par l’action.
Et puis, il y a la cohérence… qu’on oublie bien trop souvent ! Être cohérent·e avec ses valeurs, aligner ses actions avec ses pensées et limiter la dissonance cognitive au maximum permet d’apaiser ses sentiments solastalgiques.
Pour finir, il y a le fait de bien s’entourer. C’est important de ne pas rester seul·e face à ces problématiques. Le collectif et la force du groupe permettent de garder le moral dans les moments les plus difficiles. S’entourer de personnes qui sont actuellement dans la même démarche que soi est un excellent moyen d’avancer. Nous devons nous écouter, nous soutenir et nous entraider.
Passer de l’anxiété à la sérénité
Edeni organise des retraites en éco-sérénité. 2 jours pour enfin mettre des mots sur notre sentiment d’impuissance face à l’ampleur des enjeux écologiques actuels et trouver ensemble l’énergie nécessaire pour transformer cette anxiété en sérénité. Basée sur le livre de Joanna Macy, cette expérience collective aborde la destruction actuelle du vivant en alliant les dimensions corporelle, émotionnelle et spirituelle de ces questions à notre compréhension rationnelle du monde et à notre engagement dans l’action.
Pour aller plus loin : Eco-anxiété, solastalgie – on en parle ?
Le 4 décembre 2019, c’est en compagnie d’Eva Roussel, d’Alice Desbiolles et de Vadim Turpyn, que nous avons abordé ce sujet passionnant qu’est l’éco-anxiété. Sujet sur lequel la communauté edeni avait souvent exprimé son désir d’échanger afin de permettre à chacun·e d’exprimer son ressenti face à la situation actuelle et d’apporter des pistes de réponses aux personnes solastalgiques. Pour revivre cette discussion, écoute notre podcast.